Une scène de slam poésie au Gobelune n’est jamais vraiment une scène comme les autres. On y retrouve beaucoup d’habitués. Mais en cette fin d’après-midi, le Café de la rue de Bagnolet respire le métissage et l’euphorie. En ce dimanche a lieu la dernière scène de qualification parisienne, et le public ne s’est pas fait prier. C’est la foule des grands jours ! Les passants dans la rue s’arrêtent, interpellés par l’affluence au Gobelune, oui se laissent tenter par une après midi de poésie. Sur la façade du Café trône fièrement l’affiche géante de l’évènement culturel du mois de mai, le GSN ! Bientôt, on ne trouve plus de place dans le Gobelune et on se serre pour venir admirer le spectacle des mots.

Aux manettes depuis 16h30, le slammaster Pilote le Hot enregistre les dernières inscriptions, avant de souhaiter la bienvenue à tous. Malgré l’enjeu, il règne une authentique ambiance de joie et de plaisir d’être ensemble, car cette scène marque aussi le début de la fin de la saison « régulière » de slam poésie. Avant de se retrouver à Nantes, certains des meilleurs performeurs parisiens se sont donnés rendez-vous cet après midi.

16h45 : Jacques, en poète de calibrage, lance les hostilités. Il réalise d’emblée le plus beau coup du monde, avec une magnifique histoire de « amour » qui comble tous les cœurs.

Visiblement dérangé de passer en premier, F. Gordigiani n’en demeure pas moins efficace. Son histoire d’exil fatal fait mouche, et dans la tête de tous les spectateurs, cette phrase éternelle résonne encore : « elle était belle… »

Toujours jovial, le Québecois Lucky Star nous surprend avec un touchant poème sur la désolation, avant de céder la place à Didier Eurtebise, qui lance un pamphlet contre la torture qui enchaîne non seulement les hommes, mais aussi l’art. La palme d’or du pseudo revient à Toxitematic, un poète jusque là méconnu. Pour sa première prestation au Gobelune, il nous livre une petite critique sociale, se demandant au passage « à quoi sert » tout ce battage ?

Jean-Loup vient raviver la flamme des « gentils » anars, pères et fils, tandis que Marin, visiblement ému et tremblant, susurre une mélodie de détresse, comme si « en pleurant, le jour commençait à fleurir ». Petit à petit, vu la qualité des poètes précédents, les performeurs commencent à s’inquiéter pour la qualification. La barre est haute, très haute, et chacun sait qu’il faudra tout donner pour marquer les esprits.

Illustration avec Murder. Ce poète rappeur se fait l’observateur de sa propre misère et vient crier sa rage sur les planches avec une envie du fond du cœur .Sa détermination paie ! Il rejoint sa place sous les vivats.

Drôle de tableau et ironie du sort, c’est au tour de Grégoire et sa dégaine si particulière de venir titiller les stéréotypes de la « té-ci » et ses codes. Il ouvre la voie à Davius, le poète justicier à la cape héroïque, qui nous offre ses « beautés insolentes ». Un véritable poème orgasmique qui provoque la jouissance du public.

Da Gobleen marque le coup de théâtre, âcre dans les propos, mais fragile derrière le rideau de l’âme. On s’attendrit ensuite devant la performance toute en délicatesse de Valya, dont les paroles concises ne sont que grâce et finesse. On se laisse emporter par la douceur de son regard et sa poésie, légère, comme un vol de papillon…

C’est au tour de Narcisse, dont la réalité rattrape la politique-fiction dans un petit texte divertissant.

Nathalie vient balancer à qui veut l’entendre les méandres et l’enfer du couple, comme un salut émouvant au courage des femmes mariées, souvent confrontées au « sordide sentimental ». Son récit tranche avec celui d’Evok, qui, dans un tout autre registre, débite avec brio une histoire d’amour dévastatrice.

Paul Cash fait tourner la tête du public et semble à deux doigts de nous la faire perdre dans son tourbillon de jeux de mots hilarants.

Serein et souriant, voici Xavier, un habitué du lieu. D’une élégance rare, sa poésie se partage entre contemplation et réalité, servie par des images remarquables…un travail poétique indéniable qui ne rend pas le public indifférent, bien au contraire. Et le jury suit !

Le premier set prend fin avec Didier qui déclare « je t’aime, moi non plus » au regretté Gainsbourg, avant que Mr Mouche ne transforme l’éclat de son verbe en éclats de rire, revêtu de sa tenue d’agent de la « brigade du rire ».

Sans trop tarder, la finale se joue à 6. Le public est encore en émoi. Et pour les dernières minutes de cette finale, le Gobelune ne désemplit pas.

Da Gobleen excelle dans une chronique plus vraie que nature, sans concession, c’est captivant et réussi. F. Gordigiani, lui crève l’écran avec son Winston Smith. Les spectateurs sont ravis, à croire qu’ils ont tous saisis le message «  souriez, vous êtes filmés » !

Xavier réédite son succès avec un poème de décomposition très harmonieux, alors que Paul Cash choisit de nous raconter ses déboires avec sa copine, la bouteille. Le public et le jury basculent littéralement dans une ivresse poétique. Ce poème, c’est un grand cru de Paul Cash, et cette scène…un grand millésime !

Le tournoi est clos. Certains quittent les lieux, beaucoup restent discuter avec les poètes, prendre du bon temps. Le Gobelune peut dormir tranquille, il sera représenté par Murder, F. Gordigiani, Xavier et Da Gobleen. On ferme le rideau, mais on reste vivant !!!

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